AEROSMITH - NIGHT IN THE RUTS : 1979 (Original Hollande)
JOE PERRY PROJECT - LET THE MUSIC DO THE TALKING : 1980 (Original US)
Aero Split ou l' Histoire d'un Crash
« Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende »
C’est par ces bonnes paroles que se termine le film de J.FORD, « L’homme qui tua Liberty Valance ».
Cette réplique colle à merveille avec la fin d’une légende, celle du fameux groupe AEROSMITH.
Nous sommes fin 79, et le groupe vient d’exploser en plein vol.
D’un côté, Steven TYLER se vante qu’avec son nouveau guitariste, Jimmy Crespo, AEROSMITH va devenir encore meilleur qu'avant. De l’autre, Joe PERRY, avec son groupe THE PROJECT qu'il vient de monter, prétend haut et fort qu'il va tout casser et concurrencer les meilleurs groupes US du moment.
Motif de la séparation évoqué par TYLER à l’époque : Nous sommes devenus trop bons ensemble et chacun doit aller de son côté.
Mais ça, c’est la légende !
Et la réalité est toute autre bien évidemment.
De toutes ces bonnes paroles, on ne retient qu’une chose : 2 ans après ce divorce, d'un côté, AEROSMITH joue devant 200 personnes à Hartford qui hurlent tous "Where is Joe?", et de l'autre côté, Joe PERRY est criblé de dettes, largué par sa femme, et son groupe n’a en fait jamais vraiment démarré. A ce stade, Joe PERRY est sur le point de devenir un quasi SDF.
Comment en est-t-on arrivé là ?
Comment, un groupe de l’envergure d’AEROSMITH a-t-il pu se saborder de telle manière, et surtout comment la chute a-t-elle été aussi brutale et rapide ?
Bien-sûr, il y a une multitude de raisons à cela, mais je pense que la principale raison en ce qui les concerne, c’est l’importance de leur maison de disque, COLUMBIA, leurs managers, les fameux LEBER & KREBS, et surtout la totale immaturité du groupe, en matière de gestion et management.
C’est à ce niveau, qu’on mesure le trou noir qu’il existe entre AEROSMITH et des groupes comme LED ZEPPELIN ou les STONES, en matière de gestion de carrière.
Seuls, ils n’existent plus, et lorsque les ennuis arrivent, les maisons de disques et le pouvoir de l’argent les laissent à la rue.
A l’époque où tout ça se passe, personne ne connaît réellement la vérité. Tout est sorti bien des années après, alors que le groupe rabiboché, ait reconquis sa place de N°1 avec la sortie de l'album PUMP.
Pourtant fin 78, AEROSMITH est devenu le plus grand groupe au monde. Leurs disques sont tous faramineux de talents, de prouesses techniques, de trouvailles géniales. Ils ont créé un son unique, bien à eux en faisant leur marque de fabrique et leurs tournées sont toutes Sold-Out devant des foules incroyables et totalement conquises.
Et tout ça n'est qu'entièrement mérité.
Car, ce n’est pas le fruit du hasard, s’ils en sont arrivés là, mais seulement grâce à leur travail acharné, en plus évidemment de leurs talents respectifs.
Alors, qu’est-ce qui a pu dérégler cette machine de guerre, me direz-vous ?
Comme souvent en pareils cas, une goutte d’eau ; en l’occurrence ici, une banale dispute entre Elyssa PERRY et la femme de Tom HAMILTON, qui a mal tourné se terminant par un verre de lait en pleine figure de cette dernière.
Là-dessus, le groupe exténué par le rythme des tournées, gavés de drogues diverses, en remet une couche en s’en prenant à Joe PERRY dont la seule réaction est de déclarer :
« Peut-être que je devrais quitter le groupe ? » et Steven TYLER de répliquer : « Oui, tu devrais mais finalement, t’es viré ».
A ce moment-là en mai 79, le groupe se trouve en pleines répétitions pour l’enregistrement de leur album NIGHT IN THE RUTS, une contrepèterie de RIGHT IN THE NUTS. Joe PERRY ne devait plus jouer avec eux avant 5 ans.
C’est Brad WHITFORD le second guitariste qui doit palier le départ de Joe et terminer les parties de guitares sur les morceaux en cours d'achévement. L’album sort finalement en novembre 79, et somme toute, c’est un album plus que correct, que j’ai d’ailleurs beaucoup écouté.
Le travail de Joe PERRY en slide sur CHEESE CAKE est absolument délicieux. Il faut préciser que Joe PERRY est un formidable joueur de slide au même titre que Jimmy PAGE à qui il tient la dragée haute dans ce domaine.
Après son éviction du groupe, Joe PERRY ne reste pas inactif très longtemps et monte rapidement son propre combo de hard rock, avec hélas un très mauvais chanteur. Le JOE PERRY PROJECT ainsi baptisé, enregistre LET THE MUSIC DO THE TALKING, qui sort en mars 80, 4 mois après la sortie de NIGHT IN THE RUTS.
Mais au lieu de repartir à zéro avec une nouvelle compagnie, Joe PERRY commet une énorme erreur. Il signe avec COLUMBIA, la même compagnie que celle d’Aerosmith, et vire LEBER & KREBS, dont l’influence au sein de cette compagnie est énorme.
Or, il faut bien comprendre que le but de COLUMBIA dans l'affaire est de se faire du blé.
Et pour se faire du blé, de quelle façon est-ce le plus facile, sinon de faire en sorte que Joe PERRY revienne rapidement au sein d’AEROSMITH.
N'accordant donc aucun crédit à l'entreprise de PERRY, COLUMBIA ne cesse alors de lui mettre des bâtons dans les roues, et ne l’aide en rien, ni dans la promotion de son album, ni dans l’organisation des tournées qui s'en suivent.
L’album est pourtant très bon, et le morceau titre est un must absolu, qui sera d’ailleurs repris par Aerosmith sur leur disque de reformation. Là encore, le travail de Joe en slide est faramineux et son solo en milieu de morceau est particulièrement savoureux. Il y a également un autre très bon titre, un peu funky, ROCKIN' TRAIN, qui nous conforte dans l'idée que Joe PERRY doit réussir son passage en solo.
Et que dire du niveau atteint par Joe sur THE MIST IS RISING?
La pochette de l’album est un petit bijou. Le recto montre bien le dédain de Joe pour l’establishment et les mecs qui dirigent alors sa carrière ; c’est sa façon à lui de dire : « Maintenant, c’est moi le patron et allez vous faire voir ».
Le verso est un clin d’œil à Jim PHELPS, le célèbre héros de MISSION IMPOSSIBLE. On y voit Joe PERRY, tranquillement assis en train de sélectionner précieusement ses futurs acolytes pour sa prochaine mission.
C’est très bien vu, sauf que pour lui, et contrairement au feuilleton, sa MISSION est vraiment IMPOSSIBLE et va vraiment mal se terminer.
Les 3 disques du JOE PERRY PROJECT, avec des formations différentes à chaque fois, sont tous anecdotiques. Le 2ème album, I'VE GOT THE ROCK'N ROLLS AGAIN, restant de loin le meilleur. Le principal problème à mon sens de son projet est qu'il n' a jamais trouvé un chanteur digne de faire oublier Steven TYLER.
Alors que le monde du rock a fait un trait sur AEROSMITH, ils se reforment étrangement dans sa formation d'origine en 84, avec Joe PERRY et Brad WHITFORD de retour aux guitares et décident de repartir de zéro.
Ce qu’ils vont réussir magnifiquement.
Comme quoi, avec le talent, le travail et l’osmose qu’il existe entre ces 5 types, tout sera toujours possible.