Alan Wilson, le Bluesman Blanc
Un des scènes les plus hallucinantes du festival de Woodstock est celle pendant le show de CANNED HEAT, à la tombée de la nuit, lorsque Bob HITE, le chanteur du groupe, commence à faire plier sous son poids les planches du sol, à un endroit où la scène du festival est particulièrement endommagée et donc fragilisée.
On peut voir une toute partie du show de CANNED HEAT sur la version longue du film, pendant qu’ils jouent leur mémorable « REFRIED BOOGIE ».
L’intro à la guitare Slide d’Alan WILSON est un grand moment de musique ; Les mimiques qu’il fait avec ses lèvres, tout en gardant les yeux fermés, alors que derrière la scène on assiste à un magnifique coucher de soleil sur le festival, restent inoubliables et montrent combien CANNED HEAT vivait sa musique.
CANNED HEAT fait partie des groupes majeurs de la fin des 60’s, et cela, on a tendance un peu à l’oublier.
Ce sont pourtant eux qui modernisent définitivement le Blues en y ajoutant cette touche de rock et de mélodie, juste ce qu’il faut, pour ne pas être de simples imitateurs, à l’image de ces groupes anglais apparus au milieu des années 60, comme John MAYALL, FLEETWOOD MAC, ou CREAM.
Ces pâles imitateurs étaient quelque peu ennuyeux, et leur musique a mal vieilli, contrairement à celle du HEAT qui est restée résolument « moderne ».
Leur son est unique.
Le groupe se forme en Californie en 65 avec Alan WILSON, dit « Blind Owl » et Bob HITE, alias « The Bear » au vu de sa corpulence, sa barbe et sa coupe de cheveux.
Ils ont alors respectivement 22 et 20 ans.
Ils sont tous les deux passionnés de Blues et WILSON possède d’ailleurs une collection impressionnante de vieux 78 tours.
Leur 1er disque sort en 67, et n’obtient que peu de succès, malgré une formidable reprise du « ROLLIN AND TUMBLIN ». L’album se compose essentiellement de reprises de vieux standards, mais le son, si caractéristique, est déjà bien présent. A son écoute, on sent bien que ce groupe a le potentiel pour dépoussiérer enfin les sempiternels vieux accords du Blues et amener de la modernité.
C’est leur prestation au festival de Monterey en juin 67 qui déclenche tout. Ensuite sort début 68 le fameux 45 tours, ON THE ROAD AGAIN » qui casse la baraque dans les charts et installe CANNED HEAT sur une voie royale.
C’est pendant l’enregistrement de leur 2ème album, BOOGIE WITH CANNED HEAT, que le groupe évolue dans sa meilleure formation : Henry VESTINE en Lead Guitar, Fito DE LA PARRA à la batterie et Larry TAYLOR à la basse.
Ces cinq-là constituent une vraie famille, et leur entente parfaite ainsi que leur complémentarité se ressent sur la qualité de leurs enregistrements.
Leur succès est alors amplement mérité, car ces types jouaient à cette époque remarquablement bien.
Il n’est pas exagérer d’affirmer que CANNED HEAT a la CLASSE. Ils ont trouvé le son qui plaît. Le grain de voix de Bob HITE, si particulier, associé au son unique de la Gibson Les Paul de WILSON, constituent alors une arme imparable.
Alan WILSON est un multi instrumentiste réellement très doué. Il est un excellent guitariste slide, un prodigieux joueur d’harmonica, et beaucoup de leurs chansons regorgent de ses solos particulièrement délicats et aériens.
LIVING THE BLUES sort fin 68. C’est leur meilleur album avec FUTURE BLUES qui sortira 2 ans plus sans Henry VESTINE.
C’est un double album « essentiel », constitué d’un merveilleux album studio et d’un 2ème enregistré en public, sur lequel le groupe joue son fameux BOOGIE, qui dure ici plus de 40 minutes et s’étalent sur les faces 3 et 4 de l’album.
Le son du vinyle original, édité chez LIBERTY, est carrément fantastique.
L’intro de WILSON est un bijou, puis le morceau démarre et tout au long de ces 40 mn, les 4 musiciens placent, tour à tour, leurs solos, avec à chaque fois en guise de fil rouge un retour sur le thème central, très proche du BOOGIE CHILLEN de J.Lee HOOKER.
Bien sûr, les 2 guitaristes se taillent la part du lion, et leurs solos respectifs sont remarquables.
Le disque en studio regorge de trouvailles, toutes aussi différentes les unes des autres. Il y a bien sûr le hit GOING UP THE COUNTRY, écrit et chanté par WILSON lui-même, avec sa voix de castra.
D’autres chansons, comme MY MISTAKE et SANDY’S BLUES sont des classiques de leur répertoire.
Mais le morceau de bravoure de cet album studio, c’est assurément PARTHENOGENESIS, qui en fait, est l’association de plusieurs petites chansons ou instrumentaux aussi originaux les uns que les autres et dont les partie instrumentales jouées par Alan WILSON restent légendaires. Le tout atteignant tout de même presque 20 minutes.
L’intro intitulée « NEBULOSITY », jouée à la guimbarde, un peu dans le style d’Ennio MORRICONE pour la BO de « ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS », et surtout le sommet de l’album, placé en fin de morceau, « RAGA KAFI » , avec son harmonica hypnotique sur fond de sitar indien, sont de réelles splendeurs.
L’album est un immense succès mondial, et CANNED HEAT enchaîne ensuite les tournées triomphantes sur le sol américain ainsi qu'en Europe.
Pourtant, tout se dérègle en 70, lorsqu’une brouille assez grave entre Henry VESTINE et Larry TAYLOR aboutit au départ de VESTINE.
Ce dernier est alors remplacé par Harvey MANDEL (qui jouera plus tard sur le BLACK’N BLUE des STONES) pour le superbe album FUTURE BLUES, un autre chef d’œuvre du HEAT.
Juste après la sortie de ce disque, le monde de la musique apprend le suicide d’Alan WILSON début septembre 70. Personnage solitaire et asocial, WILSON de donne la mort, en absorbant un cocktail de drogues mortel. Il est retrouvé dans un sac de couchage dans le jardin du chanteur Bob HITE. Il avait 27 ans... comme les autres.
HENDRIX devait suivre 15 jours plus tard.
Le groupe ne s’en remet pas, mais continue sa carrière malgré tout encore de longues années, dans des formations très instables. Jamais il ne retrouvera son lustre de ces 4 années mythiques entre 1966 et 1970.
Bob HITE, meurt à son tour à l’âge de 36 ans, en 81, d’une crise cardiaque.
Jim MORRISON lui-même avait été très impressionné par le groupe, après avoir chanté avec eux sur scène. Il voulait persuader les autres DOORS, ainsi que Paul ROTHCHILD, leur producteur, d’orienter leur propre musique vers ce son plus blues. Hélas, ROTHCHILD devait détester les bandes démo que MORRISON lui avait fait écouter. C’était une grave erreur de sa part, car ces bandes allaient accoucher le l’album LA WOMAN qui sera produit sans lui, mais avec son adjoint Bruce BOTNICK.
A noter que l’album LIVING THE BLUES a été réédité au milieu des années 70 chez UNITED ARTISTS RECORDS avec une pochette différente et particulièrement hideuse. Il faut absolument posséder ce chef d’œuvre avec sa pochette originale.